Tatyana Dashkevich participe régulièrement au festival annuel "La joie pascale" qui a eu lieu dans la deuxième moitié du mois d'avril. Avec nos moniales et les amis du monastère, elle contribue à nos événements éducatifs et culturels. Tatyana est une poétesse et auteur des oeuvres de fiction russe et biélorusse connu, une croyante orthodoxe convaincue, mère de deux enfants adorables. Tout comme elle cherche un sens dans sa vie, elle écrit pour les autres et les aide à trouver un sens dans la leur. Quel impact sur le lecteur doivent avoir les œuvres d'un écrivain, et comment la foi influence-t-elle sur l'approche de l'écrivain vis-à-vis de ses œuvres? Nous avons demandé à Tatyana de nous faire part de ses réflexions.
En tant que participante au festival "La Joie pascale" de cette année, vous avez présenté à ses invités votre projet littéraire intitulé "Les enfants de la guerre", en interviewant et en écrivant sur les Biélorusses qui étaient enfants pendant la Seconde Guerre mondiale. Quel rapport ces histoires ont-elles avec notre vie actuelle?
Du point de vue d'un auteur de fiction, l'une des meilleures façons d'explorer un personnage est de placer le récit dans un contexte extrême, comme la guerre. Mes collègues occidentaux utilisent aussi beaucoup cette stratégie, et les sujets d'apocalypse sont encore très courants dans la littérature et le cinéma occidentaux. Cependant, ces histoires sont pour la plupart fictives, alors que les miennes ne le sont pas. Je raconte l'histoire vraie de personnes réelles qui ont vécu la Seconde Guerre mondiale en Biélorussie lorsqu'elles étaient enfants. Dans les dures circonstances de la guerre, l'intégrité de mes héros, ainsi que leur humanité même, a été mise à rude épreuve. Tous ont supporté cette épreuve avec dignité et honneur.
Dans mes histoires, je parle d'amour authentique. Je montre la fidélité et la véracité qui sont plus hauts que les intérêts de la survie quotidienne. Je donne des exemples de foi et de spiritualité fortes. Pendant l'occupation, les nazis ont permis d'ouvrir les églises, dans l'espoir de gagner la loyauté des Biélorusses. Les gens allaient à l'église et priaient. Mais cela n'a en rien aidé l'ennemi. Il n'y a pas de compromis avec la vérité de Dieu.
Mes héros ne sont pas des temps passés. Ce sont des héros de notre temps. Notre vie nous réserve encore bien des peines et met notre endurance à l'épreuve. L'avenir du monde est de plus en plus incertain, et il est impossible de savoir quelles nouvelles épreuves et quels nouveaux malheurs nous attendent. Mes histoires sur les enfants de la guerre invitent le lecteur à se demander s'il a encore le courage de défendre sa dignité humaine comme l'ont fait mes héros. Nous nous sommes habitués à aimer le confort et la commodité plus qu'auparavant, mais avons-nous encore le cœur à sa place ? Nous souvenons-nous encore que la principale réalisation de notre vie n'est pas de planter un arbre ou de construire une maison, mais de cultiver notre âme?
Comme j'ai pu le constater au cours du festival, ces questions trouvent encore un fort écho chez mes lecteurs. Mon travail d'écrivain n'a pas été futile. Mon père, qui a été la première personne que j'ai interviewée pour le projet, est venu au festival et a pris la parole lors de ma présentation. Sa parole a fait forte impression. Après son discours, une femme est venue vers moi et a souhaité être interviewée pour mon livre.
Le projet sur les enfants de la guerre explore les destins humains individuels. L'un de vos livres les plus connus, consacré au poète soviétique Alexey Fatyanov, est également une biographie. Quelles possibilités ouvre-t-il ce genre à un écrivain?
Explorer et écrire sur l'expérience de vie individuelle m'a toujours fasciné, et mon intérêt pour l'écriture de biographies est fortement lié à ma foi. Selon le plan de Dieu, chacun d'entre nous a une grande destinée - atteindre la sainteté et l'unité avec Dieu. Dans mes ouvrages biographiques, je décris les progrès de mes héros vers ce grand objectif.
J'adopte cette approche dans mes récits sur les enfants de la guerre ainsi que dans mon livre biographique sur Alexey Fatyanov. Dans la même optique, j'ai écrit les biographies de certains des nouveaux saints de l'Église orthodoxe russe, parmi lesquels Sainte Valentina de Minsk, l'archimandrite Sérafim (Tyapochkin) et le vénérable saint Jean de Ruza.
Bien des gens croient que l’homme ordinaire se trouve si loin de l'idéal de la sainteté que cela ne vaut pas la peine de tenter de l'atteindre. Pour justifier cette position, certains aiment à répéter: "Je ne suis pas un saint". Avec mes ouvrages biographiques, je réfute ces opinions. J'invite chacun à considérer la sainteté comme un objectif haut réaliste. L'exemple des saints du passé lointain et des temps plus récents prouve bien ce point.
Dans l'un de mes livres, je raconte la vie du père Sérafim (Tyapochkin) qui a passé quinze ans en prison sans avoir commis de crime. La plupart des gens à sa place seraient amers et furieux de leur sort. Mais le père Sérafim était différent. Il n'a pas cherché à rétablir la justice, il a cherché l'amour. Il a prié pour cela, et cela a grandi en lui. Avec son amour, il a changé la vie de nombreuses personnes et a accompli de multiples miracles. Mes livres sont plus qu'une biographie, ils nous donnent des exemples d'actions que nous pouvons tous entreprendre pour progresser vers la sainteté.
De nos jours, alors que la lecture est devenue si peu courante, comment un écrivain peut-il atteindre le cœur et l'esprit de son public?
Il est vrai que les gens lisent beaucoup moins de romans et surtout de poèmes qu'auparavant. Cette tendance est très regrettable. Elle se produit au Bélarus et dans la plupart des autres endroits du monde.
Pourtant, nous vivons tous à une époque très intéressante, au milieu des événements passionnants. Beaucoup d'entre nous ont quelque chose à dire - et à écrire - aux autres. Forte de mon expérience en tant qu'auteur de biographies, j'ai lancé un projet intitulé "L'histoire de ma vie" afin d'aider les personnes intéressées à écrire des biographies littéraires sur elles-mêmes. C'est un bon moyen pour les gens de donner un sens à leur vie, de trouver leur voix et d'élargir leurs horizons. Mes élèves ont déjà publié deux livres, et un troisième est en attente de publication.
Grâce à mon travail avec les adolescents, je découvre également le pouvoir de la littérature pour forger le caractère et favoriser l'épanouissement personnel. De nos jours, les enfants et les adolescents ont trop peu de choix en matière d'activités significatives.
L'écriture littéraire a un grand potentiel à cet égard. Elle donne aux adolescents et aux jeunes une chance d'être entendus. Lorsque je leur enseigne l'écriture littéraire, je les encourage à écrire dans différents genres - romans, poésie et bien d'autres. En pratiquant une variété de formes d'écriture, ils construisent leur individualité. Certains ont choisi la littérature comme profession.
Comment votre relation avec le Monastère vous a-t-elle aidé à atteindre un plus grand nombre de vos lecteurs possibles ?
Mon amitié avec le Monastère a duré de nombreuses années et m'a permis d'élargir mon lectorat, d’atteindre le cœur des gens, et m'a également donné de nouveaux amis. La maison d'édition du monastère a publié plusieurs de mes livres. En tant que participant à l'initiative du monastère "Trésor des talents", j'ai voyagé avec des conférences et des concerts dans de nombreuses villes de Russie et de Biélorussie.
L'un des résultats importants de notre partenariat est notre programme vidéo hebdomadaire "Petit phare", destiné aux enfants et aux jeunes et disponible pour notre public russophone sur la chaîne youtube du monastère. Chaque semaine, nous racontons à nos jeunes téléspectateurs une histoire magique et inspirante à l'heure du coucher. J'écris les scripts et les histoires, et j'apprécie énormément chaque minute passée à parler aux jeunes téléspectateurs.
Tout comme le monastère m'a aidé à toucher le cœur et l'esprit des gens, j'ai également aidé certains membres de la communauté monastique à réaliser leurs projets et leurs initiatives créatives. J'ai dirigé un club d'écrivains et ai travaillé à l’atelier «Ciel plein de grâce». J'ai aussi beaucoup participé aux festivals du monastère, comme «La joie pascale». Dans toutes mes initiatives, j'ai ressenti le soutien et l'intercession de la patronne céleste du monastère, Sainte Elisabeth Romanov.
Laquelle de vos œuvres est la plus préférée pour vous, et quel message apporte-t-elle au lecteur?
Pour de nombreux écrivains, l'œuvre la plus récente est la plus précieuse. L'une de mes œuvres préférées est ma récente chanson intitulée "Espérances". Contrairement à mes autres écrits, centrés sur le passé ou le présent, cette œuvre parle de mes attentes pour l'avenir. Beaucoup de gens voient leur avenir avec anxiété, mais mon avenir est lumineux. Il est rempli d'espoir et de foi. Mes meilleurs rêves et espoirs y sont réalisés: l'amour, les enfants, et bien sûr la vie éternelle en Dieu. J'espère que mes lecteurs partageront mes attentes à l'égard de l'avenir et verront leurs meilleurs rêves et espoirs se réaliser.
Par Alexander Piskunov et Yan Malov