Vers la grâce à travers les épreuves

8 décembre 2021

soeur de charite Tatiana Schastnaya

La soeur de charité Tatiana Schastnaya travaille dans la boutique du monastère depuis environ 15 ans. Au fil de ce temps, elle a vu comment le Seigneur agit pour aider les gens, et sait que le service à Dieu et au prochain exige un travail sérieux sur soi. Nous parlons avec elle des épreuves de la vie qui nous permettent de connaître la volonté de Dieu et de recevoir Sa grâce.

Vous êtes venue à l’église dans les années 1990, alors que de nombreuses personnes dans notre pays traversaient une crise de valeurs et de la vision du monde. Vous a-t-elle affectée? Comment avez-vous réussi à la surmonter?

Ma recherche intérieure a eu lieu au début des années 90, lorsque les divers mouvements philosophiques et mystiques étaient populaires. De nombreuses personnes avaient Dieu, l’astrologie et la divination dans le même cadre de référence. Je n’avais que 18-19 ans à l’époque, c’étaient mes années orageuses. Je ne sentais pas de fondation solide, l’intégrité du monde. J’essayais de paraître autre que je n’étais, et je ne comprenais pas du tout pourquoi je devais vivre ma vie de cette façon. Ne pouvons-nous pas être nous-mêmes devant les autres?

C’est la rencontre avec les sœurs de charité du monastère qui m’a aidé à trouver mes repères. Je les ai vues pour la première fois à un des marchés de Minsk, avec leurs troncs, et j’ai commencé à venir souvent vers elles pour leur parler. Sur leurs conseils, je suis allée à la réunion du père André Léméchonok avec les paroissiens de la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul. Je me souviens avoir fait une liste de questions, mais je n’ai pas eu le temps de les poser, car j’ai reçu les réponses au cours de la conversation. Des années plus tard, lors d’une réunions des soeurs de charité, le père André a dit: ‟Si vous saviez à quel point nous nous ressemblons tous!”

J’ai compris la raison de mes doutes. On a souvent tendance à penser qu’on contrôlle sa vie entièrement. Cependant, lorsqu’on n’est pas protégé par la grâce de Dieu, qu’on ne participe pas aux sacrements de l’Église, on pense à tort avoir tout sous son contrôle. On doit rechercher le salut à l’église.

Le travail au sein de la communaute

Comment avez-vous rejoint la communauté de soeurs du monastère?

Je travaillais comme entrepreneur au marché et fréquentais les réunions du père André. Un jour, il m’a demandé: ‟Es-tu satisfaite de ton travail?” J’ai dit: ‟Tout est parfait”. Le père m’a béni et est parti. Et moi, j’ai commencé à me demander pourquoi il avait demandé ça. Je lui ai posé cette question une fois et il a dit: ‟J’ai pensé que tu devrais peut-être rejoindre la communauté de soeurs”. Je n’y pensais pas, mais la communauté me tenait à cœur.

À la maison, j’ai dis à mon mari: ‟Le père André m’invite à rejoindre la communauté. Qu’est-ce que tu en penses?” La première question de mon mari était: ‟Combien vas-tu toucher?” − ‟Je n’ai pas demandé. Je n’y ai pas pensé...” − ‟De quoi vas-tu vivre?”

Cependant, Dieu m’a guidé plus loin. Un jour, alors que je travaillais au marché, je me suis fait mal au dos et je n’ai pas pu me lever de ma chaise. Mon mari a dû venir me chercher. Chaque pas était douloureux, mais quelles pensées j’avais dans la tête! Non, ce n’était pas la peur de ne pas pouvoir marcher. Je pensais qu’avec le mal de dos, je ne pourrais plus travailler au marché, et je savais où j’irais. Mon mari était inquiet, mais moi, j’étais heureuse qu’il y ait une raison de rejoindre la communauté. C’est ce que j’ai fait quand je me suis rétablie.

la boutique du monastere

Comment arrivez-vous à consacrer suffisamment de temps à votre famille malgré le fait d’être occupée avec la communauté?

Le travail au sein de la communauté a ouvert une nouvelle page dans ma vie. J’ai commencé à travailler à des foires et des expositions, je voyageais beaucop et je restais peu à la maison. Cela a donné lieu à un autre défi dans ma vie. Pour ma première mission, on m’a envoyée au festival Slavianski Bazaar à Vitebsk: nous y avons proposé les premières céramiques du monastère faites avec tant d’amour. Ensuite, nous sommes allés à une exposition à Moscou pour quinze jours. À Minsk, j’étais constamment absente de la maison pour les besoins de la communauté. En plus, j’allais à la confession qui, parfois, commençait le soir et se terminait le matin suivant.

Un jour, je rentre à la maison. Mais personne ne vient à ma rencontre. J’entre dans la pièce, mon mari est assis devant son ordinateur. Je vois l’arrière de sa tête et j’entends la phrase: ‟Eh bien, où étais-tu?” − ‟A l’obédience.”− ‟Mais c’est ton jour de congé.” − ‟Une soeur m’a demandé...” − ‟Eh bien, pourquoi n’entres-tu pas au monastère?” Il l’a dit calmement, avec une telle intonation, comme s’il en avait assez. − ‟Je suis mariée!”− ‟Je te laisse faire.”

Pour la première fois de ma vie, j’ai regardé notre situation. Mon mari et moi, nous nous voyions à peine. Je n’avais pas vu de problème: il était toujours là. Et maintenant, comme par l’intermédiaire de mon mari, le Seigneur m’a dit: ‟Que fais-tu? Es-tu chrétienne, si tu es une sœur douce et agréable à l’obédience, mais que pour tes proches tu es une personne insensible et indifférente?” Soudain, j’ai vu à quel point mon mari était sensible et aimant. Il n’a rien dit pendant si longtemps, n’a pas fait de reproche alors que j’étais tout le temps absente de la maison! Après cet incident, j’ai repensé les choses. Sa patience et son indulgence à mon égard malgré sa nature expressive est le véritable amour chrétien. Nous avons commencé à lire ensemble l’Évangile et les saints apôtres. Un jour, il m’a réveillé en me disant: ‟J’ai lu chez l’apôtre Paul: un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous (Ephésiens 4 : 4-6). J’ai compris pourquoi nous sommes tous unis, pourquoi nous sommes tous frères et sœurs.”

Y a-t-il eu des moments où vous avez voulu quitter la communauté et faire autre chose?

Parfois, derrière le comptoir de la boutique, j’avais un pénible sentiment: je ne pouvais plus parler, mais les gens continuaient à arriver avec leur problèmes. Je me regardais et je me disais: ‟Qu’est-ce que j’ai atteint dans la vie? Qu’est-ce que je fais ici? Je rédige des intentions de prière. Est-ce que je ne peux pas trouver un vrai travail?” Je faisais confiance à ces pensées! Étonnamment, dans cet état, j’arrivais à réconforter les gens. Alors un jour, j’ai décidé: ‟Je vais trouver un autre travail”. Je suis allé me confesser au père André Léméchonok: ‟Je veux partir!” Il m’a demandé calmement: ‟Qu’est-ce que tu veux faire?” −‟Je ne sais pas encore.” −‟Alors, reviens quand tu le sauras.”

Nous sommes désireux de prouver quelque chose aux autres, nous voulons avoir du succès dans la vie. C’est un combat constant. Moins souvent on se confesse et communie, plus on fait confiance à ses idées fausses, plus on s’embrouille. La confession et la communion apportent la paix intérieure ‒ tous sont bons, on aime ses prochains. Après tout, dans la vie, c’est très simple: il faut juste prêter plus d’attention aux petites choses du quotidien qui peuvent rendre nos proches heureux. Je regarde en arrière et je me dis: ‟Seigneur, comme je suis reconnaissante d’être toujours là depuis quinze ans déjà”. L’obédience mobilise, ne permet pas de se laisser aller. Avancez donc doucement et remerciez Dieu.

soeur Tatiana Schastnaya

Vous avez parlé de la grâce de Dieu. Comment avez-vous ressenti la grâce de Dieu dans votre vie?

Mon mari a reçu la Sainte Communion pour la première fois lors de notre office du mariage et il était comme un enfant. C’est alors que j’ai compris comment la grâce de Dieu peut agir sur une personne. J’ai vu mon mari changer: il est devenu plus calme et plus concentré. Il ne connaissait pas le mot ‟grâce” et a essayé de m’expliquer son état: ‟Je ressens une telle joie, mais pas le genre de joie qu’on a quand on se retrouve avec des amis autour d’une table, un autre genre. ‒ ‟Alors c’est ça la grâce!” ‒ ‟Je ne sais pas ce que tu me dis. Je suis bien”.

Dieu touche l’homme et celui-ci change. Vous voyez tout cela et vous pensez: ‟Petite fourmi, de quoi t’inquiètes-tu? Votre fourmilière sera construite. Tu ne travailles pas seule, vous êtes nombreuses. Chacune porte son fardeau, et le Seigneur veille sur vous et corrige. ‟Vous résistez? Vous ne le voulez pas comme ça? D’accord, alors vous allez le refaire vous-même””. On voit l’action de Dieu en tout.

On ne peut avancer que si l’on est prêt à changer. Ce n’est peut-être pas maintenant, peut-être avec le temps. Nous serons partis, mais la graine que nous avons semée germera. Nos enfants et nos petits-enfants suivront leur propre chemin, pas toujours sans heurts, mais sous la protection de Dieu par nos prières.

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