Galina Gontcharova est la sœur de la charité à notre monastère. Elle est aussi professeur inspirée de musique, le chef d’un collectif musical. Elle est venue à la foi à l’âge mûr ayant fait un chemin long et difficile. Aujourd’hui, elle racontera comment cet événement a changé sa vie et sa vision de la vie, du travail et du service.
Sœur de la charité au monastère Sainte Elisabeth, vous avez une obédience dans un service neuropsychiatrique pour adultes. Beaucoup de monde trouve cet endroit comme celui qui fait peur. Qu’est-ce qui vous donne les forces d’y venir encore et encore et qu’est-ce qui signifie pour vous cette obédience?
Je suis devenue sœur de charité il y a huit ans. Prenant soin des personnes avec des handicaps psychiques ou physiques, je vois combien je suis en arrière d’eux dans leur capacité de simplement se réjouir de la vie (de la météo, des rencontres, d’un cadeau même si celui-ci n’est qu’un bonbon, et même pas toujours au chocolat), en arrière dans leur capacité d’être ami, d’être fidèle et constant, d’aimer. Et puis, dans les frères et les sœurs de la charité, je vois l’exemple de l’attitude chrétienne envers le prochain, sans hypocrisie, la confiance et l’entraide, la capacité de compatir, de se réjouir ensemble et de prier les uns pour les autres. C’est une vraie famille qui est éprouvée par le temps et des difficultés. Si je cède devant quelques difficultés dans ma vie, devant mes propres faiblesses et si je quitte cette famille, celle-ci ne perdra rien, mais moi, je perdrai.
Bien sûr, ceci est un service. Me trouvant là, j’abandonne, ne serait-ce que pour quelques heures, ce type de comportement habituel, mais si étroit, quand on enseigne, dirige, cherche à obtenir des victoires, s’émeut pour des riens. Il peut sembler que je ne fais rien, mais la visite-même de la sœur de la charité dans la chambre de l’hôpital fait penser à l’éternité. La miséricorde Divine calme l’âme, lui donne des forces et une inspiration pour endurer toutes les épreuves sans se plaindre. Il est parfois nécessaire de rester en silence près d’une personne âgée infirme et sans agitation intérieure, sans impatience, sans irritabilité mais avec un cœur en paix de prier Dieu pour elle afin qu’elle ressente que vous ne vous hâtez pas et que ces minutes de votre visite sont très importantes pour vous.
D’après vos paroles, on voit que votre service, tout d’abord, consiste à servir Dieu. Comment s’est passée votre rencontre avec Dieu? Qu’avez-vous éprouvé par cette rencontre?
Je suis venue à la foi à l’âge mûr, à 41 ans. J’ai été élevée dans les traditions athées qui étaient typiques de l’époque soviétique. Je n’avais pas de connaissances de Dieu, mais la voix de la conscience vivait en moi, j’avais une aspiration à la beauté, à la poésie et à la musique.
Je suis née à Moguilev. Dans le temps de mon enfance et ma jeunesse à Moguilev, la seule église qui fonctionnait dans la ville, était celle de l’Exaltation de la Sainte Croix. Les dimanches et les jours de fêtes, ma grand-mère Anne y venait d’un autre bout de la ville, tandis qu’après la Divine Liturgie de Pâques qui terminait dans la nuit, elle revenait le matin ayant marché plusieurs kilomètres à pied. Je n’y donnais pas d'importance, mais maintenant, la pensée de ce comment cela se passait m’émeut jusqu’aux larmes.
Je me suis approchée de la foi quand je me trouvais dans un état contradictoire: d’une part, c’était un état quand on est atteint de péché, quand il y a la déception à cause de l’ignorance où aller plus loin, mais d’autre part, il y avait une aspiration à la pureté et à l’ordre, il y avait une foi que la lumière était quelque part non loin. Le Seigneur m’a tendu la main parce que mon âme qui ne connaissait pas Dieu encore, appelait déjà: «Je péris!»
Église de l'Exaltation de la Sainte-Croix
Un jour, je suis allée à la cathédrale pour parler à un prêtre. Je me rappelle le visage inspiré du père Igor qui parlait de l’icône de la Trinité d’André Roublev comme la preuve d’existence de Dieu. Après le monologue du prêtre a suivi ma première confession lors de laquelle j’ai raconté mes péchés qui, comme un immense amas, pesaient dans mon intérieur au cours de nombreuses années. Le jour suivant, j’ai communié pour la première fois. Il est apparu un sentiment d’inspiration et de liberté.
Selon la pensée des pères de l’Église, la présence de Dieu remplit la vie de l’homme d’un sens nouveau et la pose sur une fondation solide. Comment votre compréhension du sens de la vie a-t-elle changé après avoir rencontré Dieu?
La vie de chacun est remplie d’épreuves. Après que l’homme vient vers Dieu, les épreuves ne deviennent pas moins nombreuses, c’est que depuis ce moment, on les considère déjà comme ce que Dieu permet pour notre salut. Cette compréhension devient une source de certitude et de force.
Dans ce sens, ma vie n’est pas une exception. Ma première profonde souffrance dans la vie a été ce que mon papa nous a quittés. Ma maman et mon papa ont divorcé quand j’avais cinq ans. Mon papa buvait. La chute a été rapide. Il ne pouvait pas s'arrêter et souffrait beaucoup de ce fait. Il se rendait compte qu’il s’agissait de la famille, des enfants et de la vie-même, cependant la maladie et le péché ont été plus forts. Plus tard, quand j’avais huit ans, mon papa est mort tragiquement.
Je me rappelle, le jour de mon anniversaire papa a sonné à la porte. La maison était pleine d’invités, mais on ne l’attendait pas. Il a posé une boîte avec une jolie poupée allemande sur le seuil et il est parti sans rien dire. Cette poupée est devenue ma poupée préférée. Outre la poupée, je garde une carte postale où papa me souhaite une vie longue et heureuse ainsi qu’un nombre de photos où il était encore heureux.
Voulant assoupir la douleur de la perte, je me suis plongée dans les études. A huit ans, en plus de l’école, j’ai commencé à apprendre à jouer du violon. Ayant terminé huit classes, je suis entrée à l’école de musique de Moguilev. Depuis mes quinze ans, la littérature et les arts ont commencé à m’ouvrir la beauté du monde. Je me suis passionnée pour la peinture et la poésie.
A dix-neuf ans, après être entrée au Conservatoire national du Bélarus, je me suis détachée de ma famille étant partie faire mes études à Minsk. Du monde des rêves, des héros des œuvres littéraires et des larmes sentimentales causées par la musique et la parole poétique, je me suis retrouvée dans la vie réelle dans laquelle je suis entrée désarmée, non préparée et sans protection... Un malaise, des pensées pessimistes quant à l’avenir, une tentative de rompre le cercle de malchance me jetaient d’une extrémité à l’autre. Des actes irréfléchis, des fautes irréparables: les péchés s’accumulaient ainsi...
Je me suis mariée avec un camarade d’études l’année de fin de nos études au Conservatoire. Le lieu de mon travail a été trouvé aussitôt, cependant, je n’ai pas pu devenir maman. Un examen médical difficile et le traitement n’ont pas donné de résultat. Mon mari est parti chez une femme qui lui a mis au monde un garçon et une fille. Son départ a été douloureux pour nous deux. La recherche d’une issue amenait au désir de connaître et d’étudier de différents systèmes de la vision du monde. Sur mes rayons ont apparu des livres sur un traitement extraordinaire, les diètes, le diagnostic du karma. Une salade de systèmes philosophiques, d’exercices de yoga et de méthodes pour mener une vie saine a rempli ma tête.
Je périssais me trouvant dans un état d’une dépression profonde: des larmes quotidiennes, des tentatives d’assourdir la voix de la conscience par des attributs extérieurs de la femme heureuse qui a du succès – une salle de musculation et une piscine, l’achat d’un grand nombre de vêtements inutiles, des visites des salons, des contacts amicaux avec ceux qui étaient à la recherche de plaisirs illusoires.
La rencontre avec Anatole qui est devenu mon nouveau mari, je considère comme donnée par la Providence. Par son apparition dans ma vie, le Seigneur m’a tendu la main de secours et m’a dirigée sur la voie du salut. Dès les premiers jours de notre connaissance, j’ai senti une fermeté spirituelle et une fiabilité qui émanaient de lui. Je doutais de tout, tandis que lui, il était sûr de tout, j’avais peur de tout, il était courageux.
Nous avons commencé à lire ensemble l’Évangile. Les livres sur les sujets spirituels, un livre de prières et des icônes sont apparus chez moi. Une âme desséchée s’est mise à boire avidement l’eau vive de nouvelles connaissances.
Le Seigneur a tout arrangé de manière que nous avons pu vivre pendant quatre ans avec la fille d’Anatole, Sophie. À la demande de sa maman, elle apprenait à jouer du piano à l’école où j’enseigne et vivait avec nous tout en me donnant la possibilité de ressentir la vraie joie d’être maman. Aujourd’hui, Sophie Gontcharova fait ses études à L'Académie de musique Gnessine à Moscou.
Comment la rencontre avec Dieu a-t-elle changé votre vision sur l’enseignement, sur le travail avec les élèves?
Le lieu de mon travail a été trouvé aussitôt après la fin de mes études au Conservatoire, c’est un gymnase des arts où j’enseigne le violon jusqu'aujourd'hui. Je m’y sentais toujours pleine d’enthousiasme, une personne de talent qu’on aimait et dont on avait besoin.
Étant venue à la foi, j’ai commencé à comprendre plus nettement que je dois être reconnaissante à Dieu pour chaque élève, quelles que soient ses qualités personnelles ou son assiduité. Mon travail avec les élèves est aussi un service par lequel je peux grandir en tant que personnalité. Il est symbolique que l’ensemble de violonistes que j’ai créé en 2007, j’ai nommé «Consonance». La consonance est une harmonie, un accord, c’est quand chacun est à sa place et représente une valeur.
Les enfants savent que je viens aider dans un service neuropsychiatrique pour adultes et ont beaucoup de respect pour cette œuvre. J’ai amené quelques fois mes élèves jouer du violon pour les patients du service, les filles ont transmis des jouets, des bonbons ou des biscuits qu’elles ont fait elles-mêmes...
Depuis 2016, une bonne tradition de l’ensemble de violonistes est devenue la participation au concert à l’occasion de la fête patronale de l’église dédiée à Sainte Xénia de Saint-Pétersbourg. On nous a remarqué et on a commencé à inviter l’ensemble au festival orthodoxe «La joie». Des participations pareilles donnent du sens évident à ma profession et sont extraordinairement importantes pour les enfants qui, avec les violons dans leurs mains, apprennent à être miséricordieux et à avoir la bonté de l’âme.
Par la providence Divine, ont lieu dans notre vie des événements qui nous rappellent quelque chose de très important tout en changeant notre attitude à l’égard de la vie. Un événement de ce genre s’est-il déjà passé dans votre vie?
Un an avant le moment où j’ai commencé à rendre visite dans le service neuropsychiatrique, nous nous sommes trouvés avec Anatole presque dans l’épicentre de l’explosion à la station de métro Oktyabrskaya à Minsk. Des secondes nous ont séparé de la mort. Nous nous sommes perdus dans la fumée, mais après nous nous sommes retrouvés dans la foule et avons quitté le lieu. Le Seigneur nous a protégé de l’explosion, mais en même temps, Il nous a donné la possibilité de nous approcher de la mort de très près ayant rappelé que la vie est très fragile et que chaque jour peut devenir le dernier.
Viennent dans la mémoire les paroles du psaume 90: «Le mal ne pourra t’atteindre ni le fléau approcher de ta tente, car Il a pour toi donné ordre à Ses anges de te garder en toutes tes voies. Sur leurs mains ils te porteront pour que ton pied ne heurte contre la pierre».
Il est possible que le Seigneur permet de telles situations pour que les choses ordinaires à nouveau acquièrent une vraie valeur pour nous. Et voici que j’ai enfin trouvé le temps de servir mes proches et mes prochains, de voir encore une fois ma propre imperfection et, à travers la prière de mon cœur, de diriger mes pensées vers Celui qui seul peut donner la perfection changeant ma vie et la remplissant d’une vraie joie.