Je ne suis qu’une intermédiaire

28 juillet 2021

orthodox nun reflections

Les obédiences au monastère sont différentes. Certaines sœurs participent à des expositions de l’artisanat monastique, d’autres mènent des visites guidées au monastère, d’autres encore travaillent dans des ateliers. Vivant au monastère, j’ai déjà eu une obédience pour décorer l’église, participer à des expositions, travailler devant l’ordinateur. Ma nouvelle obédience a commencé ainsi: la Mère higoumène m’a appelée pour me donner la bénédiction pour assister la sœur économe à accueillir les gens qui viennent au monastère pour demander de l’aide. J’ai répondu: «Bénissez, ma Mère!» et je suis sortie pleine d’enthousiasme, n’ayant qu’une vague idée du volume de la tâche confiée. Cependant, les premiers venus m’ont un peu découragée.

C’étaient des personnes sans domicile fixe, en habits sales, avec les mains qui tremblent et le regard troublé. En me voyant celle que j’ai été il y a deux ans ‒ le temps que j’ai cette obédience ‒ je m’étonne de mon manque de sérieux. Il me semblait que c’était si facile de dire quelques mots à une personne et de l’envoyer au Centre d’accueil du monastère. Il est possible que je me protégeais ainsi de la douleur de ces gens qui sont parfois reconnaissants même pour un bol de soupe et un verre de thé, parce qu’en hiver ils ont passé huit jours dans une forêt, sans nourriture, sans abri. Sans espoir.

«Pourquoi?» ‒ l’humanité a posé cette question à Dieu au cours des siècles. Chaque fois, allant à la rencontre de ces gens qui arrivaient, écoutant leurs histoires, je ressentais involontairement dans mon âme un élan pour poser la même question. Et chaque fois je plongeais dans un abîme où ma douleur n’était qu’une partie de la douleur commune qui peut simplement écraser. «Es-ce que c’est toi qui t’a fait crucifier pour eux?» ‒c’est la réponse que l’archimandrite Sophrony a reçue dans son coeur quand il posait la même question au Christ, priant pour l’humanité qui souffre. Je ne suis pas le père Sophrony. Je ne peux pas toujours aider ces gens, même matériellement. Parfois, parce qu’ils sont en état d’ivresse ou qu’ils sont malhonnêtes. Parfois, parce qu’ils provoquent l’irritation par leur insistance. Mais la glace de mon cœur craque. La compassion et la miséricorde y frappent de plus en plus souvent. Maintenant, ce ne sont pas des paroles vides pour moi. Elles sont remplies de sens et portent la Lumière.

J’ai appris à comprendre les gens. À accepter. Des gens tous différents. Des gens portant des vêtements différents. Des gens en différentes situations. J’ai appris à leur parler. À essayer de les aider, si ce n’est par un acte, alors par une parole, une prière, par la compassion. J’ai aussi appris à faire confiance à Dieu plus qu’à moi-même. Je mets cette charge lourde sur le Christ, tout en faisant confiance: Il connaît les besoins de chacun de nous, et moi, je ne suis qu’une intermédiaire. Telle est mon expérience personnelle. Une expérience de foi, d’espérance, mais aussi d’amour. Cette expérience est très précieuse. Elle rend ma douleur moins aiguë.

Sœur Olga (Vélikaya)

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