Une personne qui a perdu la vue peut se souvenir du monde qu'elle voyait auparavant. Quand il s’agit d'un beau lever de soleil, elle comprend de quoi on parle. Mais avec les aveugles de naissance, le monde ne pourra jamais partager ses multiples beautés. Il ne connaîtra pas le soleil ou le bleu de la mer, ni ne se réjouira du vert tendre de la forêt au printemps; le monde est peint d'une seule couleur – le noir de la cécité.
Qui a péché, cet homme ou ses parents (Jean 9 : 2), pour qu’il souffre étant prisonnier d'une obscurité terrible, sans espoir, sans fin? La réponse vient tout de suite: Ce n'est pas que lui ou ses parents aient péché; mais c'est afin que les oeuvres de Dieu soient manifestées en lui (Jn 9 : 3).
L'aveugle-né est l'élu de Dieu. Par Sa providence, l'homme a traversé les longues ténèbres de la souffrance, afin que les œuvres merveilleuses de Dieu soient révélées à l’univers, pour que le monde entier, pas seulement les voisins, sache que le Christ est la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde (Jean 1 :9). Malgré l'inertie humaine, l'incrédulité, le fanatisme pharisien, un miracle se produit. L’aveugle acquiert la vue.
La cécité physique est effrayante, mais l'aveuglement spirituel est terrible. La vie sans Dieu est une philosophie de l'aveuglement qui devient une norme, une nécessité, un sens. Simone Weil, une philosophe française, a dit: ‟Tous les péchés sont des tentatives pour remplir les vides”. On essaie de remplir cet abîme avec l'alcool, la drogue, la luxure, les machines à sous, les plaisirs les plus sophistiqués ‒ mais il ne sera jamais comblé. Le vide exigera de plus en plus d’offrandes. C’est une jarre percée qui n'est jamais remplie, comme le dit saint Grégoire de Nysse (Éloge funèbre de l'impératrice Flacilla).
Acquérir la vue, c'est prendre conscience de son éloignement de Dieu. C'est voir la personne à côté de soi, sa souffrance et sa douleur, la beauté de son âme. C'est voir la volonté de Dieu dans tout ce qui arrive. C'est le désir de remercier le Créateur, comme l'a fait l’aveugle-né guéri par le Christ: Je crois, Seigneur. Et il se prosterna devant lui (Jean 9 :38)
Le chemin de l'aveuglement spirituel à la foi, l'amour, l'humilité, la gratitude est très difficile et long. C'est le chemin de notre vie. Nous devons remercier le Seigneur de nous avoir conduits à ce Siloé ‒ l'Église du Christ. Dieu seul peut nous délivrer de l'aveuglement, car, comme le dit le saint apôtre Jean le Théologien: Dieu est lumière, et qu'il n'y a point en lui de ténèbres (1 Jean 1 : 5).
Par higoumène Tikhon (Borisov), le monastère d'Optina