Je me souviens du sentier escarpé, des nouvelles feuilles sur les bouleaux et des croix brodées sur la serviette blanche de ma grand-mère. Avec elle, nous avons monté la colline pour visiter les tombes de mes ancêtres. La grand-mère a étalé la serviette et m'a dit: "Mon arrière-grand-mère l'a brodée".
Elle apportait toujours cette serviette lorsque nous allions visiter les tombes de nos défunts, chaque année, le neuvième jour après Pâques ‒ la fête de Radonitsa. Elle tenait ma main tandis que nous marchions d’une tombe vers une autre et parlait aux membre de famille décédés comme s'ils étaient vivants. Nous leur disions la salutation pascale, allumions une bougie et priions.
La grand-mère me parlait de mes ancêtres ‒ mon arrière-grand-père Ivan, ses deux frères morts en bas âge et bien d'autres. Elle les gardait vivants dans sa mémoire et me demandait de faire de même. Ces visites m'ont appris à croire en la vie éternelle. Elle n'est plus avec nous, mais je viens sur sa tombe pour lui dire mes vœux de Pâques. Je n'ai pas la serviette avec des croix, mais je viens avec un cœur pur et j'amène mes enfants en tenant leurs mains comme elle a tenu la mienne.
Nous célébrons Radonitsa, le Jour de joie, en priant pour nos défunts, pour leur résurrection. Mais comment la commémoration des morts peut-elle être synonyme de joie? Comment pouvons-nous nous réjouir alors que nous visitons les tombes de nos proches et que nous réfléchissons à la fragilité et à la finitude de nos propres vies? Cependant, c’est une sage tradition de célébrer la Radunitsa pendant cette période remplie de la joie de la résurrection du Christ. Pendant la première semaine de Pâques, nous voyons nos proches, partageons la joie pascale et échangeons des cadeaux. De même, le neuvième jour après Pâques, nous rendons hommage à nos amis et à nos membres de famille décédés. Ce jour nous rassemble à l'église car nous partageons la même espérance de résurrection. Nous ne sommes plus séparés mais unis, nous ne sommes plus dans le chagrin mais dans la joie.
Nous sommes membres d'une seule famille et d'une seule église, et notre unité dure bien au-delà de ce jour. Comme l'a dit un sage, nos proches décédeés ne font que changer de pièce dans la même maison. Ils se réjouissent aussi, car Pâques n'est pas moins réelle pour eux que pour nous. Nous leur adressons la salutation pascale, et leur réponse résonne dans nos cœurs. Nous leur tendons la main comme ils le font pour nous.
Nos défunts se soucient toujours de nous. "N'ayez pas peur", nous disent-ils de manière rassurante. Leur amour transgresse les frontières de ce monde et fait des miracles. Il nous soutient dans nos moments de faiblesse et rend nos moments de joie encore plus heureux. Nos prières résonnent et s'accordent, nous rendant plus résistants qu'avant.
Sur terre ou au ciel, nous suivons la même direction et partageons le même espoir. Qu'ils soient droits ou sinueux, étroits ou larges, visibles ou invisibles, nos chemins nous mènent vers le Ciel, là où nous nous unirons à notre Seigneur. Avancer sur cette terre est un combat difficile, mais nos défunts veillent sur nous. Ma grand-mère prie pour moi, tout comme mes ancêtres.
Nos chemins peuvent passer par des mondes différents, mais ils se croiseront. Nous rencontrerons nos ancêtres quelque part entre le ciel et la terre, au milieu d'un océan infini d'amour et d'Esprit. Nous les saluerons "le Christ est ressuscité", et la vie triomphera de la mort. Ils réponderont "En vérité Il est ressuscité", et cette salutation nous réchauffera le cœur, tout comme le jour de Radonitsa.
Par Tatyana Dashkevich