Frère Alexandre est le responsable du soin des chevaux à l’écurie du monastère. Depuis l’âge de six ans il se trouve près des chevaux. Dans son passé, il a atteint les hauteurs dans le concours, le sport équestre le plus spectaculaire qui est une épreuve de sauts d’obstacles. Comment est-il arrivé à notre ferme? Qu’est-ce qu’il y a trouvé? Comment voit-il son avenir? Voici son récit.
Est-ce que chacun peut apprendre à monter à cheval? Comment peut-on comprendre que tel ou tel cheval vous convient parmi plusieurs autres?
Si vous voulez, je peux vous l’apprendre maintenant! Quand on est monté sur un cheval, l’essentiel est de se détendre. Après s’être détendu, il faut sentir comment on devient un entier avec le cheval. Et commencer à vous réjouir du calme, de l’air, du silence. Chaque son pas devient ton pas!
Vous voulez voir votre cheval? Voici un troupeau de chevaux. Regardez-le attentivement. Le cheval que vous choisissez de tout le troupeau, celui-là est le vôtre. Comment on peut le comprendre? L’intuition suggérera. N’ayez pas peur de vous approcher du cheval. Allez directement vers lui et c’est tout! Il ne faut pas avoir peur.
Essayez seulement de ne pas regarder dans ses yeux. Pourquoi? Le cheval est l’animal le plus sensible et il réagit tout de suite à l’état de l’homme. Les yeux humains sont une âme ouverte. S’il y a une peur en l’homme, le cheval la verra et montrera alors qu’il est plus fort. Le cheval est vraiment plus fort...
Ce cheval s’appelle Bourbon. Je le caresse et je peux même le tirer par la queue. Il comprend très bien qu’on joue avec lui ainsi, que nous avons avec lui une relation comme ça. Il faut traiter avec le cheval d’égal à égal. Le cheval ne connaît pas les paroles «je t’aime», il comprend les intonations de la voix. Ce n’est pas important ce que vous dites, l’important est comment vous dites.
Comment avez-vous appris à sentir les chevaux, à contacter avec eux?
L’écurie est ma vie. Je suis dès l’âge de six ans avec les chevaux. Ma famille m’a envoyé pour les vacances d’été dans un camp de pionniers. Un jour, des sportifs du centre d’équitation à Ratomka sont venus chez nous avec un spectacle sportif. J’étais petit alors, un mètre vingt de taille, je me suis approché du cheval et j’ai été saisi d’admiration. J’ai demandé de me faire une promenade à cheval. A six ans, je suis monté à cheval pour la première fois. Après cela je n’en descendais pas. Les sportifs m’ont raconté sur le centre à Ratomka et ont invité à y venir. J’avais six ans, mais en cet âge-là nous avons toujours les sentiments les plus vifs et sincères.
J’ai ressenti l’amour des chevaux. Ils sont devenus pour moi quelque chose de proche. Même plus que ça. Ce sentiment, je l’ai aujourd’hui encore.
J’ai commencé à vivre des chevaux. J’avais une enfance heureuse, je grandissais et apprenais rapidement dans le sport. Peut-être que l’entraîneur a vu en moi quelque chose de brillant et m’a donné son cheval pour les entraînements et les compétitions. Ce cheval m’a fait gagnant des premiers prix.
A seize ans, j’étais déjà un bon cavalier et sportif. Je faisais du concours, c’est le sport équestre le plus spectaculaire qui est une épreuve de sauts d’obstacles. Il m’est arrivé de casser les bras, de tomber du cheval sur la barrière. Je continuais tout de même. Chaque fois j’ai été enthousiasmé encore plus. Je vivais du sport équestre.
Qu’est-ce qui vous a empêché d’avancer dans le sport, de devenir champion?
Quand j’avais seize ans, notre famille a déménagé dans un autre quartier de la ville. Je suis allé à la nouvelle école, de nouvelles connaissances et intérêts ont apparu. J’ai commencé à passer de plus en plus de temps à des discothèques, dans les rues. J’ai fait connaissance avec une fille, elle est devenue enceinte et à seize ans elle a mis au monde une fille, tandis que j’étais encore enfant moi-même. Une autre vie a commencé, il fallait gagner de l’argent. Cela m’a entraîné dans un autre chemin.
Ce chemin m’a amené à la prison car je me procurais l’argent de façon illicite. Au total, j’ai passé dix-huit ans en prison. Quand on sort de prison, il est difficile de trouver un travail. S’il n’y a pas de travail il n’y a donc pas d’argent et l’homme se retrouve à nouveau dans la prison. Après la libération, il n’y avait pas déjà de place pour les chevaux dans ma vie. Mais il y avait d’autres amis et normes. Une nouvelle peine de prison, une nouvelle libération. Je faisais la fête et n’appréciais rien.
Comment vous-êtes-vous trouvé dans le Centre d’accueil du monastère?
La dernière fois, j’ai été libéré en 2015. Un ulcère s’est manifesté et j’ai été hospitalisé dans un hôpital. Dans la chambre où je me trouvais, il y avait un homme, il me demandait pourquoi je regardais tout le temps par la fenêtre. Moi, je réfléchissais constamment que faire après, où aller: sortir de l’hôpital et continuer à mener une telle vie et me retrouver à nouveau en prison ou bien commencer une vie selon d’autres lois? Cet homme-là m’a dit que sa sœur allait lui rendre visite le soir et qu’elle allait m’aider.
Sa sœur était du monastère Sainte Elisabeth. Elle m’a écouté, m’a donné de l’argent et a dit l’adresse du monastère. J’ai quitté l’hôpital et ai vu un taxi. J’ai pu le prendre et aller continuer comme avant, mais j’ai pensé: «Peut-être que je devrais essayer tout de même?» Parce que j’ai été très fatigué par une vie comme celle-là. J’ai pris le bus qui allait vers le monastère. Une vingtaine de minutes après, j’ai été déjà dans le véhicule qui m’a amené à la ferme du monastère, dans ce Centre d’accueil.
Comment la ferme a-t-elle changé votre vie?
Énormément. Tout d’abord, j’ai pu à nouveau m’occuper de l’affaire aimée – des chevaux. La possibilité et le temps sont apparus pour cela. Je me suis trouvé à l’écurie par hasard. J’ai vu des chevaux et quelque chose s’est réveillé en moi. Pendant le travail, je les regardais, je m’approchais pour les voir de près. La sœur responsable y était moniale Véra qui a remarqué cela. Elle s’est approchée de moi et a commencé à me demander qui je suis et a proposé de faire une promenade à cheval. On est parti dans un champ. C’était ma première promenade à cheval après dix-huit ans d’interruption. J’ai vu que je n’avais rien oublié.
J’ai compris aussi ce qu’est l’amour de Dieu et combien il signifie dans ma vie. J’étais indifférent à l’égard de la foi pendant toute ma vie. Il était impossible de me faire aller à l’église. Quand on me baptisait quand j’avais quatre ans, je résistais, je ne comprenais pas où on voulait me mener et pourquoi. Des prêtres venaient dans la prison, mais je n’y faisais aucune attention, cela n’était pas intéressant pour moi. Même ici, à la ferme, l’église et la prière étaient pour moi comme une partie de la règle et mon attitude au début était comme envers l’observation du régime. Je venais à la confession avec une pensée: «Que vais-je dire au prêtre?» Il me demandait: «Comment ça va?» – «Ça va» et c’est tout.
Tout a changé il y a cinq ans. Je suis parti en ville, je me suis mis à faire la fête à nouveau, la nuit je suis allé ivre le long d’une route et une voiture m’a heurté, une mort clinique. On m’a ramené à la vie, un mois et demie j’ai passé à la réanimation, on m’a assemblé petit à petit: des fractures partout. A l’hôpital, j’ai déjà commencé moi-même à demander Dieu de m’aider à m’en sortir. J’ai été transporté ici en fauteuil roulant et j’ai commencé à me rétablir rapidement. C’est alors que des confessions franches et des conversations avec père André ont commencé. Petit à petit, pas tout d’un coup, je lui ai raconté toute ma vie.
Depuis lors, je ne laisse personne de la vie d’avant approcher de moi.
J’ai aimé père André Léméchonok comme mon propre père. Il est proche, il est facile de lui parler. Il faut lui dire merci parce qu’il croit les gens, il donne la chance aux gens si ceux-ci veulent eux-mêmes, évidemment.
Regardez-vous dans l’avenir, en quoi voyez-vous l’espoir pour vous même?
Peu est nécessaire pour la vie – croire simplement. Avant, je ne réfléchissais à rien, je buvais, faisais la fête et pensais que la vie était justement ça parce que je n’en connaissais pas d’autre. Cette vie-là a cependant été une erreur. J’ai 47 ans maintenant, je ressens la vie véritablement. C’est maintenant qu’une personne proche a apparu pour moi, mon amie, ma moitié, ma joie: nous avons une parenté d’âme. Père André l’a su le premier. «Vivez» il a dit.
Je vois cela comme un miracle. Un grand miracle. Je ne sais pas comment je l’ai mérité. Peut-être que le Seigneur voit comment je change intérieurement, comment je commence à vivre non pas pour moi-même.
Je pensais avant que peut-être j’aurais tout de même une famille. Mais maintenant j’y crois entièrement. De jour en jour, j’apprécie cela de plus en plus. J’apprécie mon travail. Je veux que l’écurie vive et que les gens viennent ici!
Interview d’Olga Démiduk