Elizabeth Feodorovna Romanov en tant qu'abbesse (1918)
La Grande Duchesse Elisabeth Fiodorovna a été une épouse dévouée qui servait son mari, le Grand Duc Serge Alexandrovitch, sincèrement et de façon chrétienne. Après la mort tragique de ce dernier, elle a continué son chemin chrétien ayant consacré sa vie au service de Dieu et du prochain. De ses «rôles» les plus importants dans sa vie, l’épouse et la bienfaitrice, la fondatrice de la communauté de miséricorde «Marthe et Marie», nous avons parlé à l’historien et l’auteur du livre «Elisabeth Fiodorovna» de la série de livres, Dmitri Grichine.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans la personnalité de la Grande Duchesse Elisabeth Fiodorovna, pourquoi vous vous êtes mis à écrire un livre sur elle?
La personnalité d’Elisabeth Fiodorovna a été en fait à peine visible durant la plus grande partie de sa biographie. A son arrivée en Russie en 1884, elle s’est tout de suite dissipée dans la personnalité de Serge Alexandrovitch, elle est devenue une partie de lui. Sa vie personnelle, ses idées, sa perception du monde, tout s’est dissous en lui. Ce n’est pas par hasard qu’on les percevait comme un tout. La Grande Duchesse voyait tout par la perception de son mari, par ses yeux: la Russie, la culture russe, les traditions, le peuple russe. Compte tenu de tout cela, j’ai essayé de voir sa personnalité, son caractère. L’image de la Grande Duchesse Elisabeth Fiodorovna est devenue pour moi non pas abstraite, mais très vivante et réelle.
L'historien Dmitry Grishine
Mon objectif a été d’écrire une biographie laïque d’une personne admirable, avec les traits forts et faibles, avec ses qualités et ses défauts. Au fur et à mesure que j’avançais avec le travail, il devenait clair qu’il n’est pas si simple de le faire parce que le personnage du livre est une sainte.
La foi, a-t-elle été le motif déterminant dans tout ce qu’elle faisait?
Plus j’écrivais plus je voyais que sa vie était en premier lieu le chemin de la sainteté. Elle était une fille ordinaire, puis une jeune fille avec son caractère. Un nombre de circonstances de la vie la pose sur un «escalier» spirituel et elle commence à monter. Elle comprenait que le chemin vers le haut passait par des souffrances.
Princesse Elisabeth de Hesse et du Rhin, plus tard la grande-duchesse Elisabeth Fedorovna de Russie (1887)
Elle a écrit une lettre vers son frère Ernest quand la seule fille de celui-ci était morte. La Grande Duchesse Elisabeth Fiodorovna le console et dit que par cette épreuve il s’élevera. Moi, elle écrit, je fais mes efforts, je monte vers le haut, mais je tombe à nouveau, je ne peux pas m’élever parce que je n’ai subi rien de pareil. Ceci a été dit peu de temps avant la mort de son époux Serge Alexandrovitch. Après sa mort, commence sa montée sur son propre Calvaire à travers de très grandes épreuves.
Quand en 1918, ses restes ont été découverts dans une mine non loin d’Alapaïevsk, on a trouvé une icône du Sauveur avec elle, l’icône avec laquelle Alexandre III l’avait bénie le jour où, en 1891, elle avait embrassé la foi orthodoxe. Lors de son arrestation, Mère Elisabeth a pris cette icône avec elle ressentant qu’elle allait probablement partir dans son dernier voyage terrestre. A Iekaterinbourg aussi bien qu’à Alapaïevsk, elle a subi un nombre de perquisitions.
Grand-duc Sergei Alexandrovich avec son épouse la grande-duchesse Elizabeth Feodorovna
Tous leurs objets personnels ont été confisqués, mais Elisabeth Fiodorovna portait sur elle cette icône lourde, comme les chaînes de l’ascète. Nous voyons par ce fait remarquable comment important était pour elle sa conversion à l’orthodoxie. Le Grand Duc Serge Alexandrovitch lui a offert un médaillon en or sur lequel avait été gravée une inscription: «Ne crains pas, crois seulement».
Ces paroles du Sauveur deviendront après sa devise. Les sœurs de la communauté avaient crainte et elle leur disait: «Ne craignez pas, aucun cheveu ne peut tomber de votre tête sans la volonté de Dieu».
Son service plein d’abnégation de son époux avait été conditionné par les valeurs chrétiennes ou par quelque chose encore?
Beaucoup y a coïncidé. C’était un amour, elle l’a choisi et elle ne voulait voir personne près d’elle. Elle a tout de suite compris et a estimé son niveau humain et intellectuel. Le Grand Duc Serge Alexandrovitch était un homme d’un esprit large, d’une compréhension profonde de beaucoup de choses. La Grande Duchesse Elisabeth a vite apprécié cela, elle a vu en lui un maître à penser, un exemple à suivre. Il lui a ouvert un monde, surtout le monde russe puisque la Russie pour elle a été au début un pays inconnu et mystérieux.
Grand-duc Sergei Alexandrovich avec son épouse la grande-duchesse Elizabeth Feodorovna
Elle voyait son rôle dans ce qu’elle devait aider son mari. Quand elle voyait comment il lui était difficile dans certaines situations, comment il réagissait à des remarques que l’empereur Nicolas II lui faisait, elle écrivait à l’empereur en secret de son mari pour détendre la situation. Le Grand Duc a toujours eu du mal à supporter un mode de vie mondain, la morale double, les chuchotements derrière son dos, l’hypocrisie. Il s’est renfermé en lui-même parce qu’il ne voulait pas prendre part à tout cela. Il arrivait qu’il montrait démonstrativement son dédain pour les traditions et les normes du grand monde, ce qui causait qu’il se faisait des ennemis.
La Grande Duchesse Elisabeth Fiodorovna atténuait tout cela. Elle a compris tout de suite quel rôle elle devait jouer, celui d’aider son mari. Leur mariage a été harmonieux et chaleureux. Ils se comprenaient l’un l’autre.
La Grande Duchesse Elisabeth Fiodorovna, s’est-elle convertie à l’orthodoxie sous l’influence de son époux?
Oui, mais il ne lui a jamais demandé de se tenir à sa foi, bien qu’il le souhaitait. Elle a pris son époux pour un exemple et a vu qu’il y avait en lui une bonne et vraie foi. Ainsi, elle ne pouvait pas déjà, le sentant de tout son cœur, appartenir à une autre confession.
La grande-duchesse Elizabeth Feodorovna Romanov en tant que moniale après la mort de son mari
Sa foi et la piété ont produit une profonde impression sur elle. Peu de temps après le mariage, ils étaient partis à la Laure de la Trinité-Saint-Serge. Là, Elisabeth Fiodorovna a vu comment pieux était le peuple russe, elle a vu comment les gens priaient et vénéraient les icônes. Son époux est devenu, évidemment, son maître à penser spirituel à l’étape initiale de sa prise de connaissance de la vie d’église russe.
La communauté «Marthe et Marie», elle l’a également fondée pour beaucoup en mémoire de son époux?
Elle disait: «Je suis avec Serge dans les Cieux». Il ne s’agit pas là que les mariages sont conclus dans les Cieux. Après la mort de son époux, Elisabeth Fiodorovna se trouvait déjà non pas dans ce monde, pas ici. Elle pensait et comparait tout le temps ce que Serge aurait approuvé, comment il aurait agi dans tel ou tel cas.
La communauté «Marthe et Marie» est en quelque sorte un mémorial en mémoire de son époux. Sur une des façades de la cathédrale de la Protection de la Mère de Dieu il y a un bas-relief qui représente deux anges volant à la rencontre de l’un l’autre. Du côté gauche se trouve un ange au visage de Serge Alexandrovitch, du côté droit un ange au visage d’Elisabeth Fiodorovna. Une croix au milieu, un symbole de souffrance et de rédemption. Par la croix ils aspirent à se réunir.
Un relief sur la façade de l'église de la Protection au monastère Saintes-Marthe-et-Marie
Y a-t-il eu un caractère distinctif dans son activité caritative?
Il faut dire tout d’abord que la bienfaisance était un élément obligatoire dans la vie de toute femme dans la maison impériale. Tel a été l’usage du temps de Marie Fiodorovna, épouse de Paul I. Dès le commencement, l’attitude d’Elisabeth Fiodorovna n’a pas été formelle envers ce devoir, surtout quand en 1891, elle est devenue orthodoxe. Il y avait en elle l’union de la spiritualité russe et de l’approche rationnelle européenne. Son activité caritative réunissait ces deux commencements et était, de ce fait, si productive.
Icône Sainte Elisabeth de Russie, écrite au monastère Sainte-Elisabeth
Au total, il y avait plus de 150 organisations sous le patronage de la Grande Duchesse Elisabeth Fiodorovna. En même temps, étant indépendantes, elles n’étaient pas des structures isolées l’une de l’autre, mais au contraire, elles étaient étroitement liées. Ce phénomène est sans doute unique. A l’époque mais aussi de nos jours, il n’y a rien de pareil à cela. Il nous reste de nous étonner du fait comment elle arrivait à contrôler le fonctionnement de chacune de ces organisations. Malgré le grand nombre de personnes qui l’aidaient, Elisabeth Fiodorovna elle-même entrait scrupuleusement dans tous les détails.
L’apothéose de son activité caritative est devenue la demeure de miséricorde «Marthe et Marie» où elle a réuni l’aide active aux nécessiteux et aux malades avec la vie spirituelle des sœurs. Cette communauté du début du XXe siècle, ce n’était pas un monastère ni non plus une communauté ordinaire de charité. La communauté «Marthe et Marie» est un phénomène de son temps et je pense qu’à 99 pour cent, elle vivait et apportait ses fruits grâce à la personnalité d’Elisabeth Fiodorovna. Gloire à Dieu que la bougie qu’elle a allumée, continue à brûler aujourd’hui encore.
Interview de: Youlia Sémionova
Source: mmom.ru