Centre d’Accueil pour hommes: L’ingrédient le plus important

26 décembre 2020

une eglise orthodoxe

Eugène Tkatchénko se réveille de bonne heure. Tôt dans la matinée, il doit déjà se trouver à son obédience dans le réfectoire. Il est le cuisinier en chef du Centre d’Accueil pour hommes que notre monastère a fondé dans le village de Lysaya Gora. Ensemble avec ses assistants, il prépare le petit déjeuner pour tous les habitants de ce Centre, c’est-à-dire pour presque 200 hommes!

Bien que je sois le supérieur à cette obédience, mais je cuisine tout comme les autres. Je pense que le chef ce n’est pas celui qui se tient de côté, dirige et presse ses subordonnés, mais celui qui se met près d’eux et porte le fardeau ensemble. Je suis comme tout le monde, mais j’ai un peu plus d’obligations, dit modestement Eugène. J’ai été éduqué de la manière que tous sont égaux chez nous, il n’y a pas de ceux qui sont meilleurs ou pires; peut-être que le statut de certains est plus élevé, mais ce n’est pas un indice de supériorité.

cuisine au monastere

Deux cuisiniers, un boulanger, deux laveurs de vaisselle et deux personnes qui participent à la distribution, sont ceux qui aident Eugène. Encore quatre hommes avec invalidité épluchent des pommes de terre et d’autres légumes.

Le cuisinier se lève plus tôt que les autres, vient à son obédience à 5 heures du matin et part plus tard que les autres. Les autres arrivent vers 6 h 30. A ce moment, les habitants du Centre d’Accueil vont à la prière, tandis que le personnel de la cuisine va préparer les repas. Nous prions à 10 heures. On prépare le petit déjeuner, on donne à manger à tout le monde, on dessert le réfectoire, le cuisinier lave la grande chaudière à vapeur et commence à tout préparer pour le repas du midi, c’est alors que nous prions. Pendant que les repas se chauffent, nous lisons les prières.

chef de cuisine monastere

Est-ce que les habitants du centre apprécient le travail des cuisiniers?

Il y a des gens qui comprennent et respectent notre travail, mais il y en a aussi d’autres. Il est vexant d’entendre certaines paroles, mais il nous arrive aussi de commettre une faute, dit Eugène. Les cuisiniers, comme tous les gens, peuvent être dans des états différents. Ce n’est pas toujours qu’on a envie de se lever à 4 h 30 pour passer debout toute la journée près du fourneau de cuisine. Certes, parfois on est fatigué et on se plaint... Cependant, on essaye de tout faire avec amour, c’est comme ça que les moniales nous apprennent à agir. La moniale Elisabeth dit: «L’ingrédient le plus important dans la préparation des repas est l’amour. Si on cuisine avec amour, tout repas sera alors bon». Il est nécessaire de travailler de tout son cœur et de se soucier de son obédience.

repas monastere

L’œuvre du cuisinier ressemble à celle du peintre: si un peintre va mal à son intérieur, pourra-t-il créer un beau tableau? Il en est de même pour les repas. Il faut préparer un repas pour les autres comme pour soi-même. Ces gens-là sont venus ici comme chez eux et il est nécessaire de leur montrer cet amour et une ambiance de maison.

La moniale Elisabeth dont parle Eugène, vient de Monténégro. Son obédience est de mettre en scène des spectacles avec les habitants du Centre d’Accueil et de mener chaque semaine les cours de catéchèse à l’école du dimanche. Avec son aide, un élément de création est de même apporté dans le travail du réfectoire.

Quand je suis venu ici en 2012, il y avait sur les tables des bouillies, des salades, mais maintenant, grâce à l’aide des moniales et avec les efforts communs, le menu s’est diversifié. Évidemment, il est parfois plus facile de cuire du riz ou des pommes de terre au lieu de préparer du riz pilaf ou des draniki (des pommes de terre râpées et rôties). Mais les frères nous remercient pour la diversité des mets. Un jour, nous avons préparé avec la mère Elisabeth une moussaka, un plat des Balkans qui est composé de pommes de terre, d’aubergines et d’une farce de viande. Un jus avec un petit-pain termine le repas du midi, le soir, nous faisons une sorte de pudding, une préparation cuite de fromage blanc, aussi nous servons des fruits.

repas monastere priere

Jusqu’à l’âge de 25 ans, Eugène a vécu à Moscou où il a terminé un collège et est devenu cuisinier-pâtissier. Cependant, c’est ici seulement qu’il a senti le vrai goût de la profession.

Je pouvais inventer quelque chose et cuisiner pour dix personnes, mais je ne pouvais pas m’imaginer comment préparer à manger pour deux centaines de personnes... J’avais peur. Je ne voulais pas avoir cette obédience, mais certainement, c’était la Providence Divine sur moi. J’ai commencé à préparer les repas non pas sur une cuisinière, mais dans un four avec lequel je n’ai jamais eu affaire auparavant. On m’y aidait et j’ai appris petit à petit. Ce n’est pas si difficile que ça, mais il faut seulement connaître ses actions et prévoir à l’avance ce qu'il est nécessaire de faire pour accomplir ce travail. La cuisine dans le Centre d’Accueil est devenue pour moi une «université».

Parmi les habitants du Centre, Eugène a acquis des camarades sur qui il peut compter, dont les moniales.

Le moine est une personne qui est venue vers Dieu, qui sert Dieu. Moi aussi, je suis venu ici pour changer ma vie. Sur qui est-ce que je peux prendre exemple si ce n’est les moniales? La mère Elisabeth me dirigeait et pouvait me réprimander quelquefois ou bien m’approuver. Elle me soutient et s’inquiète pour moi. Ma maman est loin, à Moscou, et il est important que quelqu’un soit près de vous et puisse vous soutenir.

preparation repas legumes verts

La mère Elisabeth a aidé Eugène à retrouver la sûreté de lui-même: elle a commencé à lui donner des rôles dans les mises en scène théâtrales, ce qui a beaucoup changé le jeune homme.

En gros, je ne suis pas sûr de moi-même, dit Eugène. La mère Elisabeth a commencé un peu à me retirer de ma coque et à faire élever l’appréciation de moi-même ayant proposé de jouer dans un spectacle, un deuxième, un troisième...

Avant, j’avais peur des gens, aujourd’hui encore je ne me jette pas embrasser tout le monde. Néanmoins, après avoir participé à nos spectacles, je suis devenu plus sûr de moi, je peux parler à quelqu’un, résoudre une question, exposer mon point de vue. Dans mon passé, j’ai souffert à cause de ce que je hochais la tête affirmativement sans rien dire et on me chargeait de tous les problèmes, en plus, j’en étais tout le temps coupable.

Eugène est venu dans ce Centre d’Accueil pour se libérer de la dépendance aux drogues.

Je ne peux pas dire que j’avais une grave dépendance. Je pensais que la liberté c’est quand on fait ce qu’on veut, quand on va où on veut, quand on décide de tout soi-même. En réalité, il n’y avait aucune liberté, mais ayant consommé des drogues ou de l’alcool, je me sentais plus sûr. C’est pour ça que je les consommais, mais maintenant, sans tout cela j’ai une sûreté de moi-même.

cuisinier en chef monastere

Je pensais avant que je pouvais tout moi-même, que je pouvais obtenir tout moi-même, mais maintenant j’essaye de vivre avec Dieu puisque je suis venu vers Lui. En ce temps-là, Dieu me conduisait aussi, mais je ne le comprenais pas.

Des nouvelles tristes, des chutes, de nouveaux efforts, même si ceux-ci ne seront pas faciles, il est nécessaire d’accepter tout ça avec une attitude intérieure normale et non pas de façon que l’on se met à boire si quelque chose ne va pas. Oui, ce sera vexant, mais il faut avancer en se serrant les dents. Le Seigneur conduit par la main.

Je voulais une liberté, mais maintenant j’ai une obédience. On dit ce qu’il faut faire, ce doit donc être fait. J’ai déjà eu ce «moi-même» et cela m’a conduit dans une mauvaise direction, voilà pourquoi nous vivons comme c’est établi ici, nous en remercions Dieu.

Quand Eugène est arrivé dans le Centre d’Accueil, il se rendait compte qu’il y aurait là un ordre à respecter. Il avoue que cela n’a pas toujours été facile.

repas monastere pain

Il arrivait que c’était difficile... Je voulais même quitter le Centre. Je n’écoutais même pas la mère Elisabeth. Cependant son appui et les paroles de la moniale Marthe m’ont aidé, elles m’ont fait entendre raison. Ce n’est pas par hasard que la sœur Marthe est la responsable ici, elle est une personne sage. Je parle aussi à la sœur Irène. Je vois que leur parler et les écouter, cela me conduit dans la bonne direction.

Un des habitants du Centre m’a dit: «Eugène, l’essentiel est de tenir bon une demi-année, il faut endurer, savoir que tu auras à te lever à 6 heures et non pas à midi, que quelque chose te manquera, que tu n’appartiendras pas à toi-même. Il sera difficile parce que cela va te peser, tu penseras que tu en as assez, mais il faut surmonter tout cela, rester ferme, ne pas partir, ne pas tout abandonner». Oui, c’était triste, vexant, dépressif, mais tout cela est parti. Je suis venu ici parce que ma maman m’a dit: «Vis là une année et puis on verra». Une année s’est transformée en huit années de ma vie.

Ma maman voulait me retirer de la dépendance dans laquelle je me suis retrouvé et priait pour moi. Je venais avec elle à l’église.C’était difficile aux offices Divins, tout tournait à mon intérieur, mais je comprenais que cela était nécessaire.

Bien que je vivais à Moscou, cela ne signifie pas que j’étais quelqu’un qui est gâté et issu d’une famille aisée. Tout simplement, j’ai été élevé dans une famille modeste et noble. Oui, je communiquais avec les jeunes gens de mon âge, je voulais correspondre en quelque chose à leur niveau. Si des amis portaient des «Adidas» et avaient des téléphones portables de marque, moi aussi, je voulais tout ça. Cependant, dans mon intérieur, je ne suis pas comme ça, je suis élevé autrement.

preparation repas cantine

Changer de climat, déménager dans un village situé au milieu d’une forêt, vivre dans une chambre à douze personnes et travailler à la ferme, charrier du fumier, tout ceci n’a pas été une blessure d’amour-propre, j’y étais prêt.

Ma maman est croyante. Elle venait dans la communauté Saintes Marthe et Marie et priait la Mère de Dieu. Elle cherchait des centres de réhabilitation auprès des monastères, voulant m’aider et demandant à Dieu de me secourir et de m’amener à Lui. Un jour, elle a vu à l’internet des informations sur le monastère Sainte Elisabeth et m’a dit: «Eugène, allons à Minsk».

Ce n’est pas tout de suite que je me suis mis en route, parce que je me suis livré à mes habitudes... J’ai vu plus tard comment elle était chagrinée et je lui ai demandé moi-même d’acheter les billets de train. Par ses prières Dieu m’a amené dans ce Centre d’Accueil. Je vis ici jusqu’à présent, je me tiens. Gloire à Dieu pour tout!

Eugène apprend à conduire une voiture et passe bientôt l’examen pour obtenir un permis de conduire. Le père André Léméchonok lui a donné la bénédiction de fréquenter une école de conduite.

Dieu sait mieux de quoi j’ai besoin. Si j’ai reçu la bénédiction, j'aurai mon permis de conduire et je vais aider le Centre d’Accueil. Les moniales ont beaucoup de soucis et il arrive qu’il est nécessaire de mener quelqu’un du Centre à l’hôpital, d’aller faire des achats, d’aller chercher des médicaments.

Je resterai vivre et travailler dans le Centre d’Accueil, et puis tout sera selon la volonté de Dieu. S’il faudra arranger ma vie personnelle ou non, c’est comme Dieu le veut. Cependant, quitter ce lieu pour s’élancer à la recherche de quelque chose, ce sera une trahison par rapport au Centre et au Seigneur.

repas monastique

Pour Eugène, le Centre d’Accueil est une maison de Dieu où on fait des efforts pour réparer sa vie, tâchant de vivre sans drogues et sans alcool. Pour ceux qui n’ont pas leur domicile, ce Centre est devenu leur maison. Pour Eugène aussi.

Je vis là, dans ce Centre d’Accueil, et je remercie les moniales, le père André ainsi que tout le monde qui m’aide à prendre le dessus sur mes infirmités. On peut apprendre ici à vivre dans la société. Certes, ici ce n’est pas comme dans le monde, mais cet endroit permet à des gens qui ne sont pas sûrs, comme moi, de relever leur moral, d’apprendre un peu à penser et à réfléchir comment il faut agir correctement.

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