Auparavant, les réunions de la communauté des sœurs de la charité avaient lieu à la cathédrale Saints Pierre et Paul. Je me rappelle qu'on était assis à des tables dans un petit local et le père André, jeune et inspiré, le Ciel dans les yeux, nous a dit: «Oui, chères sœurs, nous allons bâtir des églises et un monastère».
La tristesse m’a saisi alors... J’ai pensé à mon travail, à mon obédience dans deux services de l’hôpital. Comment vais-je bâtir un monastère? J’ai regardé la sœur Anne (elle est aujourd’hui la moniale orthodoxe Anfissa) et j’ai imaginé nous deux pousser une brouette remplie de ciment. J’ai pensé: «Quelle merveilleuse idée, le prêtre est si bien, quelle bonne affaire qu’il a commencé, mais il est dans une illusion...»
Mon intelligence n’acceptait rien, mais le cœur me rassurait que tout serait ainsi. Toute l’histoire du monastère et de la communauté des sœurs de la charité se construit de cette manière: l’intelligence n’accepte pas parce que tout semble impossible, mais le cœur dit: «Amen...»
Après que nous avons rendu visite au père Nicolas Gourianov, on a senti que le père Nicolas nous aidait: quelques hommes, tous nommés Nicolas, nous ont proposé leur aide. L’un d’eux, en passant en bus devant cet endroit et voyant un terrain vague, a pensé qu’il serait bien d’y bâtir une église. Par la suite, il est devenu notre premier chef de chantier. L’architecte et le spécialiste de dorure portaient eux-aussi le prénom de Nicolas. Les premiers ouvriers du chantier ont été des patients du service que je visitais: Nicolas et encore quelques hommes qui ont voulu donner un coup de main. C'était la volonté du Seigneur que les églises aient été construites par les gens à qui Il est venu.
Leurs prénoms sont inscrits dans mon carnet d’intentions de prières. Il est très précieux pour moi, ce carnet. Sa couverture est faite de nos dessins techniques. Quand les travaux étaient déjà en cours, on parlait avec père Valéry, qui n’était pas encore prêtre à l’époque, et il a dit: “Julia, on n’a plus besoin de ces dessins techniques, mais le papier est solide. Prends-les chez toi”. Je les ai pris, j’ai réfléchi un peu et en ai fait ce carnet d’intentions de prières. Ce n'est que récemment que j’ai compris la signification de toute cette action. Dans la prière pour la construction de l’église que nous lisons depuis plus de vingt-trois ans déjà, il est dit que l’Eglise, ce n’est pas seulement des murs, mais aussi les gens qui représentent le Corps du Christ.
Je garde ce carnet d’intentions de prières, je le colle s’il se déchire afin de garder la mémoire de ce comment tout a commencé ici.
Trois prêtres, parmi lesquels était père André Léméchonok, se sont dirigés dans des services différents pour la confession des patients; la confession terminée, les infirmières ont dit que l’air a changé à l’hôpital, qu’il était plus facile de respirer. Cependant, l’attitude à notre égard a été et continue d’être différente. C’était, sans aucune exagération, une rencontre de l’homme avec Dieu.
En ce temps-là, le médecin en chef de l’hôpital à Novinki était Alexandre Trofimovitch Zorko. Il nous a autorisés à venir à l’hôpital et a tout pris sous sa responsabilité. Nous avons pu faire des chapelles dans des locaux des services et cela a été sa volonté personnelle. Le Seigneur n’oublie pas une audace pareille et soutient l’homme alors. Alexandre est venu à la foi justement lors du processus de la transfiguration de ce lieu. Bien sûr que cela s’est fait voir sur l’homme lui-même. Il se confessait et communiait. Que le Christ le sauve! Que son âme atteint le Royaume des Cieux. Il faut se rappeler dans la mémoire du serviteur de Dieu, Alexandre.
Un lieu historique... Il y avait là une construction en bois abattu. C’était l’endroit du premier exploit de nos sœurs moniales. Au début, elles n’étaient pas encore moniales, mais seulement des sœurs de la communauté laïque de la charité. Certaines d’entre elles travaillaient, d’autres faisaient leurs études. On rendait visite à des services de l’hôpital psychiatrique et à l’hôpital municipal № 2 de Minsk. Plus tard, on a commencé à venir à l’orphelinat pour enfants souffrant de handicaps psychomoteurs et au service neuropsychiatrique pour adultes à Novinki. Ceci est devenu notre nouvelle charge qui a été bénie par Dieu et qui jusqu’à présent nous mène au salut: ce sont des gens complètement différents qui vivent dans les internats, ils sont particuliers, leurs âmes sont ouvertes et ils peuvent eux-mêmes vous consoler.\
Cette construction en bois abattu était une petite maison divisée en deux parties, sans chauffage. Là, se reposant sur des matelas, se sont audacieusement installées les sœurs qui ont choisi de s’engager dans la voie monastique et cela leur a servi d’épreuve. Avant cela, elles ont vécu dans des conditions confortables, mais elles ont tout quitté et voilà qu’elles demeuraient là où il n’y avait même pas d’eau. Heureusement, certains de nos paroissiens habitaient non loin et il était possible de venir chez eux pour se laver.
Ici, les sœurs ont commencé à prier. Tout le monde a enduré l’épreuve, personne n’est partie. Les sœurs non seulement ont tenu bon, mais aussi de nouvelles sœurs se sont jointes à ces premières.
Les gens venaient ici simplement pour regarder, pour écouter, pour prier. En un mot, c’était un aimant spirituel qui consolidait autour de lui nos futurs paroissiens.
Si nous restons fidèles à Dieu, sans nous détourner, si en tout notre état nous continuons à combattre pour avoir confiance en Lui, le Seigneur nous donnera même ce que nous n’attendons pas. C’est vrai! C’est une vérité évidente.
Les hommes des services que l’on visitait, venaient à l’église en pyjamas d’hôpital. Ils devaient combattre leur dépendance à l’alcool et à la drogue et venaient à l’église en prenant le dessus sur leurs infirmités.
Le père André a dit que les églises sont bâties pour les gens qui se trouvent ici, leur nombre est plus de 2000 personnes, une petite ville. Évidemment, Dieu vient vers ces gens-là. Lors des réunions de la communauté de la charité, l’idée importante se fait entendre que ce n’est pas nous qui venons ici pour sauver ces gens. Le père André soutient toujours cette idée. On porte les habits des sœurs de la charité, ce qui est très responsable, et on vient à l’hôpital parce que Dieu guérit ainsi nos propres âmes. Les patients dans mon service jusqu’ici me surprennent par leur profondeur et par leur ouverture à Dieu et les uns aux autres.
Après la confession, ces gens pleurent à chaudes larmes parce que leurs âmes sont comme ça. Cependant, extérieurement il semble qu’ils sont déjà passés par toutes les épreuves. Il y a là ceux qui sont après des prisons, pas facile de les influencer, mais le Seigneur les visite et leurs âmes commencent à pleurer. L’homme peut me demander: «Pourquoi est-ce que je pleure?» – «Cher ami, essayons de voir pourquoi. Le Seigneur t’a attendu depuis longtemps... Quand on ne se voit pas longtemps et qu’on se rencontre finalement, on pleure de joie. Ton âme pleure enfin parce que le Seigneur l’attendait et cette rencontre a eu lieu».
Quand la construction de l’église a déjà commencé, on célébrait, un jour, sur ce terrain vague, un moleben. On a posé sur une chaise l’icône de Sainte Elisabeth que l’une de nos sœurs avait brodée elle-même (cette icône se trouve aujourd’hui dans la cathédrale Saints Pierre et Paul), et on a commencé à prier, le prêtre et quelques sœurs. Je tourne ma tête et vois des voitures au bord de la route: les gens s’arrêtaient pour voir ce qui s’y passait.
Contre toute logique, les églises et les bâtiments ont été érigés bien vite. Les bâtisseurs eux-mêmes ont noté cela. Qui travaillait à ces chantiers? Non pas des spécialistes de haut niveau, mais les patients de l’hôpital qui pouvaient boire en plus. L’absence de financement et de matériel de chantier au début... Il y avait l’initiative et les gens qui l’ont soutenue. Plus tard, ayant appris qu’il avait une construction d’une église à Novinki, certaines entreprises nous y ont aidés.
Les voitures et les grues tombaient en panne, on nous volait du matériel, et le père André nous disait alors: «Sœurs, commençons la lecture de l’acathiste à Saint Nicolas». A partir de ce moment-là, la lecture de l’acathiste à Saint Nicolas le Thaumaturge se poursuit quotidiennement. Après la prière, tout réellement se mettait en mouvement.
Imaginez, avec tous ces événements et les ouvriers du chantier qui tantôt sont là, tantôt sont absents, les églises ont été bâties très vite. Pourquoi? Parce que Dieu, pour le bien de ces gens à l'hôpital et pour nous tous, a arrangé que les travaux ont été accomplis dans les délais très courts, qui sont hors de toute logique.
On s’adressait à nous avec la demande de bâtir une église au cimetière Nord de Minsk. Ici, c’est une ville des vivants et là, celle des défunts. Il était clair qu’il fallait prier là aussi. C’est en 2002 qu’on a posé une capsule dans les fondements de la future église. Nous avons chanté sur le territoire où l’église était censée être construite. Deux ans après, à Radonitsa (le 9-e jour après Pâques, jour où d’après la coutume russe on visite les tombes), en se dirigeant à ce cimetière avec père André pour célébrer l’office des défunts, on y a vu de loin notre église! Deux ans après! Le père André nous a dit alors: «Sœurs, c’est pour ces gens qu’en un an on a érigé une église!» J’ai précisé: «En deux ans, père» – «C’est vrai, en deux ans? Ah, un chantier de longue durée!»
Deux ans, c’est déjà un chantier de longue durée parce que ces gens de l’hôpital en ont un besoin urgent, nous tous de même en avons un besoin urgent, le cimetière Nord, cette ville des défunts, aussi. Voilà pourquoi le chantier avance très rapidement, mais en même temps, on a à surmonter de grands obstacles. Pourquoi? Pour ne pas s’attribuer ces succès, je pense. Il est très facile de s’attribuer cela. Tant que les travaux continuent, beaucoup de questions surgissent et l’on s’adresse tout le temps à Dieu! La prière aide non seulement à résoudre ces questions, mais elle nous fait comprendre que la construction se fait non pas par les forces humaines.
Article de Vadim Yantchuk
À suivre...