Georges Yourkévitch: Croire et ne pas perdre le lien avec Dieu

23 avril 2021

frere de la charite

Votre vie est liée avec le ciel. Vous avez voulu devenir pilote. Vous avez fait votre service militaire dans les troupes aéroportées. Vous êtes monté au ciel beaucoup de fois et avez fait des sauts en parachute. Comment voit-on les choses terrestres depuis une grande hauteur? Peut-on y sentir particulièrement la présence de Dieu?

J’ai lu quelque part une expression: il n’y a pas de démons dans les cieux. Ce n’est pas pour rien que les personnes romantiques aspirent à la hauteur, le ciel et les montagnes. Celui qui saute en parachute, pilote un aéronef, conquiert les sommets, il s’élève en quelque sorte au-dessus du monde et son âme change. Il est difficile de traîner dans les soucis et agitations terrestres. Lorsqu’on monte plus haut, on ressent le calme et la beauté. Quand on se trouve en l’air, sous la coupole de parachute, c’est un sentiment de béatitude. Dans une certaine mesure cet état est proche pour moi de celui après la communion.

Certes, le ciel et la hauteur sont liés à des dangers. Je me rappelle cette situation où, lors d’un saut en parachute, le mousqueton de mon parachute s’est débouclé, et, par miracle, je reste vivant. Il n’y a rien dans la vie qui se passe par hasard, je pense... À un moment difficile pour moi, un homme m’a dit: «Peut-être que quelqu’un prie pour toi». Je veux croire que près de l’Autel de Dieu quelqu’un vraiment prie pour mon âme de pécheur.

Racontez comment vous êtes arrivé à la foi.

Peut-être, pour que l’homme ressente la présence proche du Christ, quelque chose doit émouvoir le cœur. Quelque chose doit se passer afin qu’il comprenne que rien de ce qui est terrestre ne peut le consoler. Avant que des afflictions ne soient venues dans ma vie, je ne m’adressais pas à Dieu. Et voici qu’à un moment j’ai réalisé que je n’avais pas d’appui.

Au début des années 90, des afflictions sont venues à notre famille: au cours de deux ans sont morts les parents de ma maman, un infarctus est survenu à mon père, il a survécu à la mort apparente, ma maman a été licenciée à son travail... Maman endurait péniblement cette période et cherchait à trouver une issue dans la spiritualité. Ainsi, elle a trouvé la consolation Divine à l’église. Le Seigneur l’a aidé à tout accepter. J’ai vu qu’elle a su surmonter le chagrin, tenir ferme, reprendre courage et retrouver sa place dans la vie.

J’ai reçu le baptême au début des années 2000, j’avais 32 ans. Cependant, après le baptême je n’ai pas eu pleine conscience de ce que doit être la vraie vie dans le Christ. Alors, on comprenait tout de façon formelle, comme un rite.

bebe avec maman

En ce temps-là, j’ai été un entrepreneur réussi. Il semblait que tout dans la vie allait de soi: je me sentais remarquable et doué. Et voici qu’on commence tout à coup à se rendre compte que tout est entre les mains de Dieu. Le Seigneur a permis des afflictions venir à un moment et m’a dirigé ainsi vers Lui. C’est alors que j’ai réalisé véritablement qu’il était impossible de vivre sans Dieu. C’est alors, en 2008, qu’a eu lieu ma vraie rencontre avec Dieu.

Le père spirituel du monastère, archiprêtre André Léméchonok dit: «Ce n’est seulement une personne sur dix qui vient à l’église dans la grâce». Regardez, moi aussi, je venais auparavant. Je me suis fait baptiser, mais après j’ai perdu ça. Je ne suis revenu qu’après une affliction dans ma vie. Il est nécessaire de comprendre que les épreuves dans notre vie arrivent également par la miséricorde Divine. Le Seigneur m’a conduit par le chemin étroit parce que le chemin large me mènerait à la perdition...

Le Seigneur est le Créateur, Il ajuste finement les cordes de l’âme humaine. Ce qui est le plus profond et salutaire est l’aide Divine. Un jour, j’ai senti sur mon chemin que le Seigneur était tout près et qu’Il me donnait la consolation par l’intermédiaire d’autres gens.

Vous avez travaillé et avez eu une obédience à notre monastère pendant plusieurs années. Qu’est-ce que cela signifie pour vous, être une partie de la famille du monastère?

Il y a au monastère une grande concentration de la grâce Divine, les gens qui sont là, ils servent un objectif: en aidant les nécessiteux et les affligés, ils sauvent leurs âmes. Peut-être que le Christ nous réunit tous pour notre désir de servir le prochain.

Comment dans le monde les gens ont-ils l’habitude de tout voir? Celui-ci est intelligent, celui-là ne l’est pas très, celle-ci est jolie, celle-là pas très, celui-ci est maigre, celui-là est gros. Nous essayons de voir en l’homme ce qui vient de Dieu. Comment peut-on discerner cela en l’homme? Quand on voit combien de mauvaises choses il y a à son intérieur, on voit alors que les autres sont bien. Quand on commence à ôter la poutre de son œil, on ne voit plus déjà la paille qui est dans l’œil d’autrui.

eglise st jean de shanghai

Encore, grâce au monastère, j’ai appris quelques importantes leçons pour ma vie et pour mon salut.

En aidant les patients du service neuropsychiatrique pour adultes, j’ai vu comment ils savent vivre avec le cœur et être sincères en tout. Nous avons l’habitude d’user de ruses, changeons de masques, voulons faire semblant d’être bien, mais eux, ils sont tout le temps vrais. Nous raisonnons de façon à compliquer les choses, inventons quelque chose, nous nous embrouillons, l’esprit ne nous permet pas souvent d’entendre le cœur, tandis que ces gens-là sont toujours sincères. Pendant les spectacles tout le monde rit et naît une joie insouciante et sincère. Quand on voit ces morceaux de bonheur, on comprend alors qu’il est nécessaire de remercier Dieu pour tout ce qu’Il nous donne.

Lorsque j’aide le prêtre qui communie les gens à leur domicile, je vois parfois des choses surprenantes. Une dame âgée infirme à qui il est difficile, qui a mal, qui se plaint. Et voici qu’après la communion elle se calme, sourit et s’endort... On comprend à des moments pareils que le Seigneur est tout près. Si les gens le savaient, tout le monde irait vers Dieu.

La construction de l’église de Saint Jean de Shanghai et de San Francisco est une étape importante dans l’histoire de notre monastère. Vous avez pris part aux travaux. Qu’est-ce que cette expérience vous a donné?

Lors des travaux de bâtiment de l’église de Saint Jean de Shanghai et de San Francisco, j’avais pour tâche de recevoir le bois et de signer les papiers avec le maître d’œuvre. Le site de construction se trouvait à 40 km de Minsk, pratiquement en plein champ.

Sur le site ont été préparés les éléments de la future église: on enlevait l’écorce des troncs et on les coupait selon le plan, on composait les troncs pour voir la construction dans son ensemble et on marquait les troncs dans l’ordre dans lequel l’assemblage devait avoir lieu par la suite. J’ai vu comment à partir du bois ordinaire grandissait une église. Ensuite, tout a été transporté au monastère et assemblé sur place.

eglise orthodoxe saint jean

Il y a eu aussi des tentations. Je pensais au début que si on était là, tout était sans difficultés alors. Peut-être dès le début, quand j’étais venu seulement, tout a été comme ça, mais après le Seigneur a permis une épreuve: comment l’homme allait se comporter si quelque chose n’allait pas de la sorte qu’il voulait. Je ne voulais pas me rendre si loin sur le site, je me plaignais. Je comprenais néanmoins que cela était nécessaire. Quelque temps après j’ai senti une joie intérieure. Quand l’homme fait un effort sur lui-même, le Seigneur lui donne alors une consolation.

Il y a eu des moments quand, probablement, par les prières de Saint Jean de Shanghai et de San Francisco, le Seigneur nous a aidé dans des situations sans issue. Je me rappelle, un camion transporteur de bois s’est embourbé dans la forêt, on ne s’attendait pas à une aide à venir. Soudain, par miracle, le véhicule est sorti de la voie pleine de boue et est arrivé sur le site aux environs de minuit.

Pendant les moments difficiles c’est la confession qui m’a aidé. Il est nécessaire de comprendre que si en ce moment on n’arrive pas à se maîtriser, si un chaos et des plaintes commencent à son intérieur, on peut tout détruire et renoncer à tout en un instant. Cela veut dire que l’on renonce ainsi au Christ, mais Lui, Il a sûrement enduré beaucoup plus que nous. Viennent ici dans la mémoire les paroles du Seigneur que le petit troupeau sera sauvé (cf: Luc 12:32).

Quand on regarde l’église de Saint Jean de Shanghai, on se rappelle combien de tentations et d’émotions il y a eu lors de la construction, mais maintenant nous voyons comment elle est belle! Aujourd’hui encore, quand j’y entre, mon cœur tressaille. Je suis heureux que le Seigneur m’a permis de participer à la construction de cette église. La vie ne passe pas en vain.

Quand l’étape principale des travaux terminait, notre fils Michel est né. Je pense qu’il est né par les prières de Saint Jean de Shanghai et de San Francisco.

Parlez de votre famille et de la place du monastère dans sa vie

En 2014, le père André Malakhovsky a célébré l’office de notre mariage. Nous avons fait baptiser le fils cadet au monastère. Le monastère est devenu une partie intégrante de notre vie. Un jour, la moniale Tavifa a dit: «Si on participe à la construction de l’église, cela reste avec vous pour toujours». Une partie de l’âme reste là.

spectacle pour les enfants

Nous avons deux fils avec ma femme. Michel a six ans, il commence petit à petit à nous demander de lui parler de Dieu, je l’amène à l’église. L’aîné a quinze ans, un âge d’esprit de révolte. Il fréquentait l’école du dimanche, communiait, mais le monde l’a fait s’éloigner de l’église. Nous espérons qu’il ne partira pas loin, un grain est resté en lui.

Je pense que les enfants doivent voir que leurs parents s’adressent à Dieu et participent aux sacrements de l’Église. Il est important que les deux époux fassent des efforts. Bien que franchement, je ne sois pas un très bon père, je réussis mal avec tout. Je suis venu à la foi à l’âge adulte. Je pense que lorsqu’on trouve la foi dans son enfance, c’est mieux pour l’homme.

Nous vivons à l’époque de changements et d’incertitude de l’avenir. Que pourriez-vous dire à ceux qui cherchent à trouver dans ces conditions un appui dans leur vie?

Tout change dans le monde, et nous comme si nous naviguions dans la barque. Si on tombe dans des passions ou des peurs, la barque sombrera. Comment l’homme peut-il ne pas périr dans la tempête des épreuves mondaines? Seulement s’il se tient fermement à la foi du Christ.

photo de famille

J’ai appris beaucoup de choses au monastère. Cette expérience m’aide dans la famille. Le mari est chef de sa femme, le chef du mari c’est le Christ et si on n’aime pas, si on ne fait pas ses efforts, si on ne se résigne pas, il n’y aura donc pas d’ordre à la maison. Un jour, j’ai demandé au père André comment pourrait-on protéger les enfants contre cette avalanche d’informations qui va aujourd’hui sur eux? Le père a dit: «Priez pour vos enfants et ne perdez pas l’espoir».

Il est aussi important de se rappeler: le Seigneur est dans la simplicité. Ma belle-mère est native de la campagne, là tout est dans la simplicité: si on fauche l’herbe ou qu'on fait autre chose, un calme vient alors, on se sent bien. Je souhaite à tout le monde, dès que la tempête intérieure se soulève, de se reposer quelque part dans la nature. Rester assis quelque temps près d’une église, aller dans une forêt, aller voir un lac, se promener dans un parc.

Encore, dans une situation difficile il est nécessaire obligatoirement d’attendre le calme venir dans son âme. Lorsque l’homme se trouve en état d’inquiétude, de peur, d’agression, il ne peut pas alors raisonner lucidement, ne peut pas séparer le bon grain de l’ivraie. Quand on se calme et qu'on demande à la Mère de Dieu et aux Saints le don de discernement, tout s’éclaircit petit à petit!

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